Nils Guadagnin → Everyday Miracles

March 17th - April 21st, 2018

Galerie Derouillon, Haut Marais

Avec le soutien à une recherche/production artistique du Centre national des arts plastiques.

La Galerie Derouillon est heureuse de présenter la troisième exposition personnelle de Nils Guadagnin.

EVERYDAY MIRACLES – Nils Guadagnin

Nils Guadagnin s’attache depuis le début de sa pratique à une compréhension des relations entre dimension matérielle et immatérielle, liaison aporétique à laquelle il n’a eu cesse de se confronter, entre démarche conceptuelle et ode au minimalisme et post minimalisme américain.
Pour sa troisième exposition personnelle à la galerie Derouillon, l’artiste nous met face à des objets plus « physiques ». Il contrôle l’espace curatorial, s’attachant à définir, par réaction en chaîne (The way things go 1) de nouveaux lieux.
Les œuvres sont ancrées, posées au sol, ou accrochées, scellées au mur. Un hommage rendu à Sol Lewitt, qui dès les années soixante avait aboli le socle et abordé le vide comme un élément constructif à part entière. L’objet n’est plus en lévitation, c’est désormais la lumière qui joue ce rôle. Elle lie et à la fois détache l’oeuvre de son contexte, l’autonomise. Elle prend et donne une dimension spatiale, c’est elle qui soutient et définit la forme ; elle matérialise l’espace, contenant de l’œuvre. Il est ici question de ruptures, de contrastes, la lumière faisant converger l’absolu et le néant. La question de la couleur est volontairement éludée et pourtant incarnée dans chaque objet. Ceci faisant référence de manière innée aux lois phénoménologiques et optiques, et par révérence au mouvement light and space.
Avec La place de mon œuvre 2 réalisée en 2008, déjà l’artiste nous invitait par la gestuelle de la peinture en bombe, à une vision libéraliste de la place physique et idéologique de l’oeuvre dans le champ de l’art contemporain, au travers de la symbolique de la cimaise et par prolongement du white cube. Un premier affranchissement à la fois de la forme, mais aussi de son espace d’inscription.

Échapper au cadre

La forme parait libre mais piégée ; l’émeute est ainsi suggérée mais retenue. S’entremêlent alors attraction du support et contamination de la surface.
Issues du projet de recherche Dust Riot 3 mené par l’artiste sur les phénomènes climatiques extrêmes, trois photographies prises dans la Tornado Alley, sont ici encadrées de métal ; l’image contrecollée sur aluminium est découpée pour laisser place à la cimaise et rendre son espace à l’œuvre. L’approche picturale donnée par l’artiste à ces états sculpturels naturels rend leur présence irréelle, le métal opérant une mise à distance avec le sujet.
Une structure suspendue vient contraindre l’espace et limite une nouvelle zone dans l’exposition. Grotto, auvent en grillage, laisse échapper des formes organiques. Elles coulent, glissent mais sont pourtant figées dans la résine, contrant les lois de la gravité, l’un des principaux sujets de réflexion de l’artiste. La confrontation opérée lie et sépare deux entités hautement symboliques : celle du terrain vague suggéré, zone de non droit et non-lieu, et celle de la caverne, espace de divagation platonicienne.
On retrouve cette même approche morphique dans la série de sculptures hybrides Tropical expansion qui contre mêlent végétal et étirement de la matière. La sculpture, pupitre-objet, devient une nouvelle entité qui n’a plus besoin de quatre points d’appui mais s’érige sur un axe unique. La dualité s’opère alors entre le métal et la forme, qui semble vouloir croitre hors cadre. Le traitement à la peinture caméléon, habituellement destinée au tuning automobile, rend insaisissable l’identité chromatique et lumineuse de la structure et nous ramène au mirage.

Épilogue

La paréidolie s’incarne dans une esthétique industrialisée, en rupture avec l’acte de faire, la facture manuelle dans laquelle s’engage l’artiste pour chacune de ses productions, et qui se retrouve ici confondue dans la dimension épurée et la neutralité chromatique apparente du « général » de l’exposition. La lumière, matériau omni présent est traitée comme un objet en soi, peinte au même titre que les structures, démontrée comme solide, tout à la fois désacralisée et devenue spectrale.

En nous approchant au plus près du sujet, l’artiste nous en éloigne, nous fait prendre de la distance, de la hauteur, tout comme il se met à proximité de ses références pour en finalité s’en affranchir, revendiquant une utilisation de la lumière et du métal qui lui est sienne. Dans cette zone d’occupation artistique, tout parait en suspens, le temps et l’espace sont arrêtés. Nils Guadagnin y a fabriqué et organisé les éléments d’un théâtre d’objets que nos imaginaires ont le pouvoir de faire entrer en action.

Cécile Cano – Tropismes

1/ En référence à l’oeuvre vidéo de Peter Fishli and David Weiss The way things go (Le cours des choses), 1987, 30’, 16mm.

Solomon R. Guggenheim Museum, New York Gift, Matthew Marks, 2015.

2/ Nils Guadagnin, La place de mon œuvre, peinture en bombe, dimensions variables, 2008. Courtesy galerie Derouillon et courtesy de l’artiste. L’œuvre fait à la peinture en bombe délimite un espace sur une cimaise, surmontée de l’inscription taguée « la place de mon œuvre ».

3/ Recherche menée avec le soutien à une recherche/production artistique du Centre national des arts plastiques reçu en 2017. Elle fera l’objet d’une exposition personnelle de Nils Guadagnin dans le cadre du programme SUITE 2018 du Cnap.
Perpetual Monument, du 11 août au 2 septembre 2018 à St Jean de Luz. Curating Cécile Cano – Tropismes.